lundi 27 mai 2013

Ségolène Royal à Bercy : c'est pour quand ?

Je rebondis un peu sur le texte de Sarkofrance que j'aurais presque pu écrire si j'avais son talent (et son énergie, feignant que je suis, même si mon angine blanche ne m'en a pas laissé beaucoup ces derniers temps). Allez le lire et revenez ensuite.

C'est lu ? OK. Je pense que Juan résume bien le sentiment d'une large part de l'électorat de gauche à propos de Mosco : trop mou, trop proche des milieux financiers et patronaux, pas assez à gauche, etc. On se souvient par exemple de sa loi bancaire en carton (même si à titre personnel je n'ai jamais été convaincu de la nécessité d'une stricte séparation des activités, voir la satisfaction non dissimulée des banquiers en dit long sur la qualité du texte). On est conscient aussi des tensions qu'il peut y avoir avec Montebourg, qui même s'il n'est pas exempt de reproche fait au moins l'effort de mener une politique volontariste et réellement de gauche, avec parfois l'échec au bout comme à Florange ou Pétroplus (mais c'est inévitable quand on prend des risques), mais aussi et fort heureusement des succès indéniables pour compenser.

Bref, Moscovici est un boulet qui nuit à l'image du gouvernement et alimente ce sentiment de renoncement face aux puissances financières et patronales (et l'affaire Cahuzac n'a rien arrangé, mais elle a un poids mineur dans la balance).

Entretemps on a pris conscience du fait que la politique économique était dirigée par une armée mexicaine sans réel leader : ainsi, il y a pas moins de 7 ministres qui se partagent les compétences à Bercy ! C'est beaucoup trop. Et ce, d'autant plus que le portefeuille du travail n'en fait pas partie, ce qui est une erreur en ces temps de chômage de masse (comme l'a très justement rappelé Jean-Louis Borloo, qui ne dit pas que des conneries quand il est à jeun, ce qui n'en fait pas non plus quelqu'un de compétent en la matière).

Comme le dit Fabius, Bercy a besoin d'un patron. Alors bien évidemment, des noms circulent, comme Louis Gallois et Pascal Lamy. Écartons immédiatement ce dernier : j'espère qu'Hollande n'est pas assez stupide pour nommer à Bercy ce symbole de la démission du politique face au rouleau-compresseur du néolibéralisme mondialisé, d'autant plus que les "solutions" qu'il prône ont fait la preuve de leur échec lamentable ces dernières années. Si par malheur cela arrivait, je serai le premier à retirer mon soutien et ma confiance à ce gouvernement.

En plus il y a déjà François Lamy au gouvernement, alors ça serait le bordel.

Louis Gallois maintenant. On se souvient de l'épisode de son rapport, censé lui donner une image de technicien compétent, énumérant des pistes que le gouvernement a tenté de traduire dans les faits (qu'elles soient bonnes ou mauvaises est un autre débat). Dans ce cas, pourquoi ne pas lui confier directement la charge de la politique économique ?

La réponse est contenue dans la question : politique économique. Gallois n'est pas un politique, c'est un technocrate et un ex-patron d'entreprise publique. Or un État ne se gère pas comme une entreprise (surtout pas !). Gallois est sans doute compétent pour gérer une entreprise (publique de surcroit), se débrouille pas trop mal pour discuter avec les partenaires sociaux, mais ce n'est pas un politique. Et puis il n'est pas assez marqué à gauche, or c'est à gauche que se fait le plus sentir le désir de changement.

Il faut donc un politique pour diriger Bercy. Quelqu'un qui ait de l'autorité, de la poigne, de la volonté face aux lobbies, aux forces conservatrices et aux puissances économiques et financières. Quelqu'un qui sache diriger une vraie équipe pour mener une politique économique de gauche. Quelqu'un qui ose prendre des risques et en assumer le prix.

Sur le marché des candidats disponibles, j'en vois une qui répond parfaitement à cette description : Ségolène Royal, qui a déjà un pied dans la porte en tant que vice-présidente de la BPI. Et si d'aventure quelqu'un d'autre était choisi, peu importe : il faut mettre fin à cette cacophonie.